La CardioMyopathie Hypertrophique (CMH ou HCM)
Par Valérie Siezenis, vétérinaire.
Fonction cardiaque (présentation simplifiée)
Le coeur est un muscle qui fonctionne comme une pompe. C'est lui qui est responsable de la circulation du sang dans l'organisme.
Il se divise en deux parties, le coeur droit et le coeur gauche.
Le coeur droit est le plus petit des deux, car il n'assure la circulation que dans les poumons : c'est lui qui fait oxygéner le sang.
Le coeur gauche, quant à lui, envoie le sang oxygéné dans tout l'organisme, donc il est plus développé et plus puissant que la partie droite.
Chaque partie est décomposée en deux « chambres » : l'oreillette qui reçoit le sang et le renvoie dans la seconde cavité : le ventricule. C'est la contraction du ventricule qui chasse le sang dans les vaisseaux et le fait circuler. Entre ces cavités, des « portes » appelées valvules aident à la régulation de la circulation et évitent les reflux.
Schéma de circulation sanguine
Chaque cavité cardiaque fonctionne en deux temps :
1. la diastole : les muscles se relâchent et laissent la cavité se remplir de sang.
2. la systole : les muscles des parois de la cavité se contractent en chassant le sang dans les vaisseaux (ou dans le ventricule lorsqu'il s'agit des oreillettes).
La circulation sanguine est aussi régulée par un certain nombre d'hormones et de nerfs.
On comprend donc que, pour que la circulation se fasse sans problème, chaque partie du coeur doit être fonctionnelle, et les mécanismes de régulation de la fonction cardiaque doivent être eux aussi valides.
Et la synchronisation doit être impeccable.
Il découle de cela que tout problème survenant dans cette mécanique complexe est à l'origine d'une insuffisance du reste de la machinerie (ex : si les valvules ont des « fuites », le sang reflue au lieu de circuler dans le bon sens, ce qui fatigue les muscles, ralentit la circulation).
Et par ailleurs, si le coeur ne fonctionne pas correctement, l'ensemble de l'organisme souffre puisqu'il n'est plus suffisamment oxygéné.
La cardiomyopathie hypertrophique
C'est l'affection cardiaque la plus fréquente chez le chat. Elle se développe en moyenne vers 5 à 7 ans (mais des valeurs extrêmes ont été trouvées de 3 mois à 17 ans).
Chez certaines races (Maine Coon, American Shorthair, Ragdoll et Persan), le caractère héréditaire de cette affection, transmis par un gène dominant a été observé dans certains cas, et fait se développer la maladie plus rapidement.
Dans la forme la plus grave de la maladie, le chat décèdera avant 3 ans. En l'état actuel des connaissances, il semble impossible d'affirmer si cela concerne les animaux portant 1 ou 2 gènes mutés.
Un test génétique a été mis au point concernant le gène principal responsable de cette affection chez le Maine Coon (et ne semble valable que dans cette race). Des recherches sont en cours pour trouver le (ou les) gène(s) défectueux responsable(s) de ce problème chez les autres races.
Un autre test, plus récent, vient d'être découvert pour la race Ragdoll, valable lui aussi uniquement dans cette race, en l'état actuel des connaissances.
Les éleveurs de ces 2 races, sans cesse préoccupés par l'amélioration de leur élevage, vont sans aucun doute travailler à obtenir, dans un avenir relativement proche, uniquement des chatons non atteints des mutations connues. Ce travail, pour ne pas mettre en péril la variabilité génétique des 2 races (ce qui risquerait de faire surgir d'autres tares génétiques peut-être pires) nécessitera vraisemblablement de faire naître des chatons hétérozygotes durant les proches années à venir (une partie de la portée d'un chat hétérozygote, héritant du gène muté du parent touché, ne sera destiné qu'à la compagnie, le reste, ayant par chance hérité du gène sain, pourra être gardé pour la reproduction).
Mais gardons en mémoire que cette affection peut aussi être secondaire à d'autres problèmes de santé tels que hypertension artérielle et hyperthyroïdie, et que même un chat issu de parents en parfaite santé et non porteurs du gène défectueux est susceptible de développer cette affection (ou une autre pathologie cardiaque) lorsqu'il devient âgé.
Par ailleurs, même un chat porteur du gène défectueux ne développera pas forcément la maladie très rapidement dans sa vie, donc il semble exister d'autres facteurs déclenchants de ce problème; pour l'instant, ces facteurs restent inexpliqués.
En outre, d'autres mutations (ne serait-ce que celles qui sévissent dans les autres races de chat) existent peut-être, mais ne sont pas encore décelables par les moyens technologiques actuels dont nous disposons.
Cliniquement, il est très difficile de déceler cette anomalie : essoufflement, intolérance à l'effort. Il faut se rappeler que beaucoup de chats porteurs de cette anomalie meurent brutalement sans avoir présenté de signes extérieurs de problème cardiaque.
Pour les autres symptômes, le recours à la consultation chez un vétérinaire cardiologue, et la réalisation d'une échographie cardiaque sont indispensables. En effet, le souffle cardiaque ou l'arythmie, qui peuvent éventuellement être décelés à l'auscultation, ne sont pas toujours présents; le seul signe certain consiste en un épaississement de la paroi du ventricule gauche, visible à l'échocardiographie ; même une radiographie n'est pas forcément très parlante, sauf si l'on en est au stade de dilatation des oreillettes : la radiographie montre alors une silhouette cardiaque en coeur « de Saint-Valentin ».
Schéma de coupe transversale du coeur au niveau des ventricules
Coeur normal | Coeur malade : parois épaissies |
Lorsque la cavité du ventricule gauche se rétrécit, puisque le muscle « gonfle » et prend sa place, il envoie de moins en moins de sang dans la circulation générale, et peut en recevoir de moins en moins de la part de l'oreillette.
Cet état de fait finit par conduire à l'insuffisance cardiaque, avec épanchements (lorsque les vaisseaux sont trop « gorgés » de sang, la pression à l'intérieur est telle qu'une partie du liquide contenu dans les vaisseaux en sort et stagne dans les cavités ou organes proches de ce vaisseau), atteinte cardiaque globale (l'oreillette gauche, ne pouvant plus se vider totalement dans le ventricule, se distend et ne peut plus recevoir le sang provenant du coeur droit, ce qui finit par atteindre ce dernier également).
Le chat est donc « cardiaque ».
Si l'affection est prise à temps, et bien suivie, on peut espérer allonger l'espérance de vie de l'animal, et améliorer son confort.
Note
Comme la fonction cardiaque est très complexe , et dépend de nombreux facteurs, il existe d'autres maladies cardiaques qui touchent les oreillettes, les valvules, les hormones responsables de la régulation de la fonction cardiaque, etc...
La cardiomyopathie hypertrophique n'est malheureusement pas la seule cause de « crise cardiaque » ou « d'insuffisance cardiaque », c'est seulement la plus connue chez le chat; et même avec le travail acharné des éleveurs visant à éliminer l'aspect génétique de cette affection dans les races touchées, nul ne peut garantir que VOTRE CHAT est totalement à l'abri de tout problème. Après tout, vivre n'est pas sans risque.
Au 15/11/2010
Le Dr vétérinaire K. Meurs, de l'Université WSU (Washington State University), découvreur de la mutation génétique CMH Ragdoll et de son test ADN, nous a communiqué ses derniers chiffres :
Sur 3071 Ragdolls testés par son laboratoire à ce jour, 30,4 % (soit 933 chats) ont été testés positifs, donc porteurs de la mutation, dont 94 % (soit 877 chats) sont hétérozygotes et 6 % homozygotes mutés (soit 56 chats).
(NB : la mention N/N qui figure sur les résultats des laboratoires signifie Négatif/Négatif >> ne porte pas la mutation,
la mention CMH/N >> le chat est hétérozygote pour la mutation et porte donc un gène muté)
Pour le dépistage de vos chats, contactez les laboratoires génétiques :