Les couleurs Chocolat & Lilas chez le Ragdoll
Par Jonathan Koskas
Le Chocolat
Le Ragdoll, comme toutes les races colourpoint, est d’abord apparu dans la couleur seal, couleur que le public attribue en général au Siamois, historiquement la première race à porter cette robe si élégante : les extrémités – tête, pattes et queue – sont presque noires à noires alors que le corps va du blanc cassé au café au lait selon les individus.
Il fallut ensuite des années pour que le premier bleu voie le jour, puis vinrent le chocolat et le lilas, le roux et le crème…
Attardons-nous sur les différentes variantes du gène B (pour Black = noir).
Bref rappel de génétique
B est le gène qui régit la présence d’eumalénine dans le poil, responsable de la coloration noire (ou brune).
Explication : en fait, l’eumélanine se présente sous forme de granules microscopiques : s’ils sont de forme arrondie, le poil apparaît brun foncé ou noir ; s’ils sont ovales, le poil est de couleur brun clair à très clair).
Ce gène existe en 3 versions, ou allèles, voir :
- page Génétique
- page Les mariages possibles
B = black Noir chez le chat unicolore ou particolore, |
b = brown chocolat |
bl = light brown cinnamon |
B (noir/seal) étant dominant par rapport à b (chocolat),
b (chocolat) lui-même dominant sur bl (cinnamon).
Peut aussi intervenir le gène d (pour dilution maltaise), qui modifie, dilue la couleur.
Avec D, non dilué, les granules sont répartis de manière uniforme, la couleur n’est pas éclaircie.
Avec d, dilué (et récessif par rapport à D), les granules forment des agglomérats hétérogènes et la robe parait plus claire.
Le chocolat et le lilas chez le Ragdoll ?
A sa création, comme toutes les races colourpoint, le Ragdoll n’existait qu’en seal, seule couleur pendant les 7 premères années, selon Ann Baker. Les premiers bleus (mitted) donc dilués, Blossom Time Tinkerbelle et Dandelion seraient apparus en 1975, quoi qu'il y ait aussi trace en 1973/74 de Raggedy Ann Mingo, déclaré en bleu bicolore. Cependant, Raggedy Ann Thumper Jr, né en 1970, avait été enregistré en lilas bicolore, alors qu'il était en fait bleu bicolore, selon les éleveurs de l'époque pouvant encore en témoigner.
Il était peut-être issu de croisements qu'Ann Baker aurait faits avec ses Balinais pour "introduire le bleu" (la dilution NDLR) chez le Ragdoll, croisements qu'elle voulait garder secrets, dixit Blanche Hermann, secrétaire de l'IRCA.
Quant au chocolat (et au lilas, sa dilution), la première Ragdoll déclarée comme telle fut Raggedy Ann TIKI, la fille de Daddy Warbucks et Buckwheat.
- voir Fig. 1 article consanguinité
C’est possible puisqu’elle était issue de chats noirs ou seal, qui pouvaient porter l’allèle b. Toutefois, les enregistrements officiels de l'époque mentionnent pour TIKI la couleur "seal point/dark leg" (c'est à dire seal colourpoint).
C’est également incertain au vu des photos et si l’on tient compte du fait que l’on était dans les années 60, qu’Ann Baker n’aimait pas les expositions et n’avait sans doute pas l’occasion de voir beaucoup de chats chocolat, rares à l’époque aux USA, et de les comparer.
Raggedy Ann Tiki
C’est surtout incertain si l’on rappelle que son frère était seal, qu’il aurait donc dû avoir 50 % de chances de porter le chocolat et qu’ils furent mariés, et eurent 5 chatons, tous seal. De plus, ces 5 chatons devaient nécessairement porter le chocolat par Raggeddy Ann TIKI, leur mère ; il y avait alors 75 % de chances d’obtenir des chocolat, ou des porteurs… Or, l’un de ces chatons fut marié à sa mère, toujours TIKI, ainsi qu’à sa propre demi-sœur (et nièce) et à deux de ses propres sœurs et toujours aucun chocolat dans les portées malgré une telle consanguinité…
De plus, si l’on considère la question 40 ans après, force est de constater que bon nombre de chats nés depuis TIKI, et jusqu’aux années 1995-2000 (et même plus tard…), furent déclarés en chocolat ou lilas, mais dès qu’ils eurent pleinement développé leur couleur, tout observateur devait se rendre à l’évidence : ces chats étaient seal et non chocolat, bleus et non lilas. Mais les éleveurs ne refaisaient pas faire les pedigrees (soit par négligence, soit par ignorance, soit par manque de sérieux, voire par mercantilisme, l’attrait de la nouveauté leur permettant de vendre ces couleurs beaucoup plus cher).
Ci-contre, un Ragdoll qui fut déclaré en chocolat dans les années 90… C’est pourtant un seal bicolore, sans doute possible ! A comparer au chocolat bicolore dans le "comparatif". |
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Ci-contre, un supposé lilas bicolore, publié dans un ouvrage américain à la fin des années 90, à comparer avec la photo de Ragdoll lilas, dans le "comparatif" ou à un bleu bicolore ! |
Cependant, le chocolat et le lilas existaient depuis des années chez le Siamois. L’hybridation permit de le développer ensuite chez le Persan ; c’est ainsi que certains éleveurs, en Amérique du Nord et en Australie, voyant ces chats chocolat et réalisant que les ragdolls prétendument chocolat ou lilas étaient simplement des seal ou des bleus mal déclarés ou trop clairs (on dit aussi « mauvaise couleur »), mirent en place des programmes d’élevage en vue d’introduire l’allèle b chez le Ragdoll, via le Persan, ou le Birman, ou le Balinais.
Restait ensuite, bien sûr, tout en gardant à l’esprit la double priorité de santé et de tempérament, à améliorer le type obtenu pour rejoindre celui du Ragdoll traditionnel.
NB : ces programmes d’élevage sont parfois décriés par certains (dits « puristes ») mais l’ouverture de sang est parfois une nécessité de santé pour toute race (voir article sur la consanguinité) et une mutation de couleur n’intervenant environ qu’une fois sur un million, l’hybridation est le plus sûr moyen de développer les couleurs dans une race donnée. Ainsi, le Siamois développa le cinnamon grâce à l’Abyssin, puis le British le travailla grâce au Siamois. Le Sacré de Birmanie fit appel à un Persan silver shaded pour créer les premiers Birmans silver, à des Persans et des Siamois red pour obtenir les premiers Birmans red et crème)… S’il n’y avait eu ce travail, toutes les races en seraient restées à leurs 2 ou 3 couleurs de base… Le Persan noir, le British bleu, le Maine Coon brown tabby…). Aux éleveurs de faire le travail nécessaire pour rejoindre l’idéal du standard, ce qui peut prendre des années. |
Seal ou chocolat
Dans la pratique :
Depuis des années, grâce à la recherche génétique et aux laboratoires spécialisés, nous disposons de tests de couleurs fiables ayant permis de certifier les vrais chocolats et de travailler en connaissance de cause.
Un éleveur qui a fait tester ses reproducteurs, ou qui a acquis un reproducteur testé, voire issu de parents testés pour la couleur et ayant fait l’objet d’une certification génétique d’identité, (cf. page "Identification génétique") se fera immanquablement l’œil lors de sa première portée, s’il a la chance d’avoir plusieurs chatons et de couleurs différentes ! En effet, d’une part on peut, si l’on est vigilant, dès la naissance, faire la différence entre le corps blanc immaculé des chatons chocolat et des lilas par rapport au corps légèrement blanc cassé des bleus et ivoire des seal. Mais surtout, au fil de l’apparition des teintes, entre un chocolat et un seal, le doute n’est plus possible.
Une certaine difficulté subsiste toutefois, chez le Ragdoll, davantage que chez le Birman et encore davantage que chez le Siamois :
Cela réside dans le fait que le meilleur moyen de distinguer un chocolat est de regarder ses téguments (le cuir de sa truffe ou de ses coussinets).
Balinais chocolat colourpoint (© chatterie de l’Allée du Roi) |
On comprend alors que le Siamois ou le Balinais, avec leurs extrémités toujours colorées (si l’on excepte les « récents » Siamois bicolores, encore assez rares) sera plus facile à distinguer que le Birman ou le Ragdoll mitted, qui ont des gants blancs, mais une truffe effectivement colorée, sans parler du Ragdoll bicolore, dont ni les coussinets ni même la truffe ne sont pigmentés !
Ajoutons à cela que la couleur est toujours plus intense et donc plus facile à identifier sur un chat à poil court, en raison de la dispersion des granules colorants dans la longueur du poil (ce qui explique que la queue met plus de temps à se colorer que le bout du nez ou les pattes). Que le chat soit seal, bleu, chocolat ou lilas (sans oublier le gène orange et ses combinaisons), sa queue met près de 2 ans à rejoindre l'intensité de couleur des autres extrémités.
NB : Les standards des races décrivent les couleurs et leur répartition avec précision et une teinte qui s'éloignerait - plus ou moins - de l'idéal pourrait être pénalisée en jugement, tout comme un chat présentant une telle "mauvaise couleur" (ex. un seal ou un bleu trop clairs...) devrait être utilisé en connaissance de cause de la part de l'éleveur sérieux, c'est-à-dire avec parcimonie, voire retiré de la reproduction. Après tout, ne verrait-on pas d'un mauvais oeil qu'un Persan supposé noir jais soit entaché d'une teinte franchement brunâtre, ou grisâtre ? Le standard stipule aussi que le Ragdoll adulte doit présenter une couleur homogène sur les points, la queue de certains sujets manquant parfois de pigmentation. |
Les éleveurs, le Ragdoll et le chocolat
A la lumière de ce qui est écrit plus haut, rappelons simplement qu’il y eut une longue période pendant laquelle certains éleveurs enregistrèrent des Ragdolls comme chocolat ou lilas, soit par méconnaissance, soit par espoir qu’ils le fussent vraiment !
C’est pourquoi, à l’inverse, chez les quelques rares éleveurs de par le monde autorisés par leur fédération à mettre en place des programmes d’introduction du chocolat, on a vu fleurir des argumentaires établissant les différences : photos comparatives des truffes, des coussinets et des queues de chats seal ou chocolat d’une part, de bleus et de lilas d’autre part, afin que les acquéreurs se fassent une idée précise des différences.
Conseils de l’AFR
Le chocolat et le lilas ont été introduits en France dans les années 2000 et même si ces couleurs sont de plus en plus répandues, cela reste minime par rapport au seal et au bleu. De plus, certains éleveurs motivés par l’appât du gain prétendent en avoir, suivant en cela l’exemple américain, comme nous l’avons évoqué plus haut.
C’est pourquoi, nous ne pouvons que conseiller aux futurs acquéreurs de Ragdolls chocolat ou lilas, particulièrement de reproducteurs, de poser toutes les questions éventuelles à leurs interlocuteurs (photos, tests éventuels…).
En effet, il est fortement recommandé d’exiger les tests de couleur du chaton, ou de ses parents, voire de ses grands-parents. Bien sûr, un éleveur ayant suffisamment d’expérience et de pratique ne fera peut-être plus tester les descendants de ses premiers chocolat, mais il se fera un plaisir de comparer pour vous les différentes couleurs de ces chats.
Vous pouvez aussi consulter les photos émaillant les diverses pages de notre site et vous rendre en expositions félines, où, si vous ne trouvez pas de Ragdoll chocolat ou lilas, vous pourrez vous familiariser en observant des Siamois, des Balinais ou encore des Birmans arborant ces couleurs.